Savant ou scientifique ? Un même métier, pour deux dénominations différentes qui ont tout leur sens et se posent à la croisée de deux époques successives. On parle de savant pour nommer le chercheur au moins du début du 20ème siècle jusqu’aux années 1930-40. Sa particularité est qu’il ne travaille pas dans une équipe constituée de collègues, dispose d’une grande latitude en termes de travail à effectuer, dispose de chaires qui place la recherche non pas comme une activité à part entière, mais comme une quête de dévoilement des mystères de la nature, une affaire de curiosité.
Le savant est là pour apporter sa pierre à la connaissance de la nature, au nom de la « sainte curiosité » pour reprendre l’expression de Paul Langevin. Le savant nourrit son indépendance financière et matérielle de toute tutelle quelle qu’elle soit, et donc si l’Etat vient lui apporter des subsides, ces derniers doivent être apportés sans conditions de résultats à venir quelconques. Qui plus est, être savant est avant tout une histoire de vocations, et il n’y a de fait pas de cursus approprié à l’université pour se former. Les étudiants sont ainsi livrés à eux-mêmes.
Si elle pourrait être vu comme une parenthèse, la guerre de 1939-1945 est vécue comme un catalyseur. Les élites du pays après-guerre s’inquiètent du retard pris par la France par rapport aux États-Unis qui ressortent grandis du conflit mondial sur le plan scientifique et techniques. L’éditorial du premier numéro d’Atomes, revue créée en Mars 1946, donne le ton par rapport à cette situation particulière. C’est dans ce contexte que la « big science » s’institutionnalise en France, sous la houlette notoire du Centre National de la Recherche Scientifique.
Le laboratoire de recherche va être le lieu de mutations notoires, avec l’augmentation des moyens accordés aux chercheurs et la dotation en appareillages de pointe pour des travaux de recherche poussés. L’exemple de Charles Sadron à Strasbourg avec le CRM (Centre de recherche sur les macromolécules) en est une illustration particulière. Sadron défendra notamment le modèle de l’institut (ou « usine de recherche ») avec une taille critique permettant de concentrer des moyens humains et matériels suffisants pour effectuer les recherches, des voyages post-doctoraux pour les jeunes chercheurs pour tirer profit de l’avance scientifique des États-Unis, des cursus universitaires plus en adéquation avec la recherche effectué, et un statut de fonctionnaire pour les chercheurs du CNRS.
C’est le modèle de l’entrepreneur scientifique qui se fait alors jour : entrepreneur à la tête d’équipes de chercheurs, d’ingénieurs et de techniciens, au sein d’instituts dotés de moyens subséquents, avec une organisation rationalisée. Néanmoins, il faudra attendre les années 1950 et le premier plan quinquennal du CNRS pour permettre à cette « big science » portée par ces défenseurs des « usines de recherche » de se déployer et de grandir.

Pour aller plus loin, la publication sur laquelle se base cet article, ici.







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