Dans le monde vivant, les membranes cellulaires jouent un rôle de barrière biologique et sont notamment constituées d’une bicouche lipidique généralement à base de phospholipides. Ces membranes sont dynamiques et comportent de nombreuses biomolécules en leur sein, entre autres des lipides, des protéines et des glucides. La structure des membranes cellulaires n’est pas uniforme, elle est marquée par l’existence de domaine lipidiques en son sein, de canaux ioniques, ou encore de complexes protéiques comme l’ATP synthase. En particulier, on dit que les membranes suivent le modèle de la mosaïque fluide : celles-ci sont des matrices fluides au sein desquelles les protéines intégrales, les glycoprotéines et autres biomolécules (comme le cholestérol) sont constamment en mouvement, tout comme les phospholipides de la membrane.
À ce titre, cela rend les réactions chimiques plus efficaces au sein de la cellule, et surtout cela permet de bien protéger l’information génétique.
Cette barrière qu’est la membrane régule notamment l’entrée et la sortie de biomolécules et d’ions au sein de la cellule. En particulier, différents modes sont mis en jeu selon l’encombrement stérique et le caractère lipophile de la molécule cible : ainsi, les molécules hydrophobes de faible poids moléculaire traversent la membrane par simple diffusion (transport passif), alors que la diffusion d’ions doit être facilitée par la mise en jeu de protéines transmembranaire (transport actif). Pour ce qui de molécules encombrées, celles-ci sont transférées au sein de la cellule contre le gradient de concentration par endocytose.
Le stress oxydant
Les radicaux libres oxygénés, plus communément appelés espèces réactives de
l’oxygène (abréviation : ERO ; en anglais : ROS, reactive oxygen species) sont des produits du métabolisme cellulaire et de la respiration mitochondriale. Les ERO sont notamment impliqués dans les processus de croissance, de migration et de différentiations cellulaires, lorsque celles-ci sont à des concentrations physiologiques faibles. Leur concentration dans le milieu cellulaire est régulée et reste très faible grâce des phénomènes d’homéostase, notamment au travers de tampon rédox comme la glutathione (GSH), ou bien grâce à certains acides aminés libres, peptides et protéines.
Les ERO sont ainsi généralement désactivées ou dégradées par des antioxydants, ce qui les rend ainsi inoffensives pour la membrane cellulaire et les biomolécules présentes au sein de cette dernière. Néanmoins, l’augmentation de leur concentration dans le milieu cellulaire est à l’origine du stress oxydant : cela est dû soit à la surproduction de ERO, soit à la défaillance des antioxydants qu’ils soient enzymatiques ou non. Dans tous les cas, ce stress oxydant perturbe le métabolisme cellulaire et peut aboutir à la dégradation des biomolécules présentes dans les cellules, comme les lipides, les protéines ou encore les acides nucléiques. Cela a pour effet majeur d’altérer fortement les propriétés et l’activité de ces biomolécules. Plus particulièrement, ce stress oxydant est à l’origine de diverses pathologies, qu’il s’agisse de cancers, du diabète ou encore de troubles neurologiques – comme les maladies d’Alzheimer et de Parkinson – et cardiovasculaires.
L’exemple du diabète
Dans le cas du diabète, l’hyperglycémie est le facteur majeur à l’origine du déclenchement et du développement des complications rencontrées ainsi que de la résistance à l’insuline, au travers de la rupture de la balance oxydants/antioxydants à cause de la stimulation des voies génératrices d’ERO. Les principales sources de radicaux libres sont l’auto-oxydation du glucose, la voie des polyols et la glycation des protéines.
Tout d’abord, la source principale d’ERO est l’auto-oxydation du glucose : en milieu
physiologique et en présence de métaux de transition tels que le fer et le cuivre, le glucose sous sa forme ène-diol donne un radical hydroxyle. En réagissant avec l’oxygène moléculaire, ce radical permet d’obtenir des anions superoxydes et un α-cétoaldéhyde. Ces radicaux superoxydes sont certes dismutés en peroxyde d’hydrogène par les SOD, mais en présence de fer, il y a libération de radicaux hydroxyles qui interagissent notamment avec les protéines, altérant de fait leur structure et donc leur fonction. Les α-cétoaldéhydes peuvent aussi être oxydés en présence de ces mêmes métaux de transition pour former à leur tour des ERO, amplifiant ainsi le stress oxydant.
Ensuite, l’hyperglycémie a pour effet de ralentir les voies de métabolisme du glucose, à
savoir la glycolyse et la voie des pentose-phosphates, et d’augmenter la concentration
intracellulaire en peroxyde d’hydrogène qui inhibe entre autres la glycolyse ; cette même hyperglycémie induit notamment l’activation de la voie des polyols. Cette dernière produit du sorbitol et du fructose – qui s’accumulent au sein de l’organisme – et diminue les concentrations en NADPH,H+ et en NADH,H+. En tant que puissant agent osmotique, le sorbitol a pour effet notoire de perturber l’activité des pompes sodium-potassium et donc la communication cellulaire. Quant à la baisse de concentrations en NADPH,H+, celle-ci ralentit l’activité des enzymes antioxydantes qui nécessitent ce composé, comme la glutathion réductase : la conséquence directe est l’accumulation d’ERO au sein de la cellule. À ce titre, cette voie des polyols joue un rôle significatif dans l’amplification du stress oxydant.
Enfin, le glucose tout comme d’autres sucres réducteurs (fructose, arabinose, ribose, etc) peuvent se lier de manière covalente sur les groupements amines libres de protéines au travers de leur fonction aldéhyde : on parle de glycation des protéines. Il est à noter que cette réaction est plus rapide pour les sucres phosphatés et le fructose en comparaison avec le glucose, et que cette série de dégradation mettant en jeu des sucres et des protéines correspond à la réaction de Maillard impliquée dans la cuisson d’aliments.
Une base de Schiff est d’abord obtenue, celle-ci pouvant subir une cyclisation aboutissant à de la D-Glucosylamine. La base de Schiff subit ensuite un réarrangement d’Amadori pour former des cétoamines qui peuvent se cycliser pour former des composés bien plus stables que la D-glucosylamine – cette dernière peut se dégrader en dicarbonyles. Les produits d’Amadori ont la particularité de posséder un groupement cétol qui, en présence de métaux de transition, peut former des radicaux superoxydes et ainsi amplifier le stress oxydant. Selon le pH, ces produits d’Amadori peuvent subir deux voies de dégradations : en milieu acide, ils donnent des 1,2-dicarbonyles puis des furfurals, tandis qu’en milieu basique on obtient des 2,3-dicarbonyles qui sont ensuite réduits sous forme de réductones. Les dicarbonyles qui sont formés tout au long
du phénomène de glycation peuvent réagir avec des acides aminés (dégradation de Strecker) : cela libère l’aldéhyde correspondant à l’acide aminé ainsi qu’un α-aminocarbonyl qui peut se condenser.
Parmi les composés majoritairement formés lors de la glycation de protéines, on retrouve essentiellement des composés dicarbonylés réactifs comme le méthylglyoxal (MGO), le glyoxal (GO) ou encore la 3-désoxyglucosone (3-DG). Ces derniers sont bien plus réactifs que les sucres réducteurs et jouent donc un rôle prépondérant dans la glycation des protéines ; ils sont également un excellent indicateur de l’avancement du phénomène de glycation. En plus des protéines, ils peuvent également réagir avec les acides nucléiques et les phospholipides pour former des produits avancés de glycation (AGE : advanced glycation end-products). Ces AGE s’accumulent au sein de l’organisme, ce qui a pour effet d’entrainer de nombreuses complications comme la rétinopathie ou des maladies cardiovasculaires. En raison des effets générés par ces composés dicarbonylés, on parle de « stress carbonyl » pour caractériser leur accumulation.







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